Emile
Berliner (1851-1929) |
Portrait
d'Emile Berliner, 1851-1929 |
À l'été 1876, l'exposition du centenaire de la révolution américaine de Philadelphie présente les toutes nouvelles découvertes scientifiques. À cette occasion, Alexandre Graham Bell (1847-1922) présente au public pour la première fois le téléphone qui consistait en deux boîtiers identiques abritant chacun un électro-aimant et une membrane reliés par un circuit électrique. Malheureusement pour Bell, le message transmis n'était pas clair. Son invention comptait sur un bon récepteur mais un mauvais transmetteur. Emile Berliner entreprend ses recherches dans son petit appartement de Washington, transformé en laboratoire d'électricité. Il y avait même installé un téléphone entre son appartement et celui de sa logeuse. Le principe que Berliner découvre dotait l'invention de Bell d'un bon transmetteur pour toutes les distances. Le 4 juin 1877 son invention est brevetée. En termes simples, Berliner avait mis au point un vrai microphone. En septembre 1877, la compagnie Bell Telephone de Boston offre à Berliner une somme d'argent et un salaire en échange de son invention. En 1883, il quitte la compagnie de téléphone et revient à Washington. Il acquiert une maison sur la rue Columbia et y installe son laboratoire de recherche. C'est dans ce laboratoire que Berliner invente son gramophone ainsi que le disque horizontal et la matrice pour imprimer les disques. Berliner enregistre le brevet de son gramophone à la fin de 1887. Le 16 mai 1888, il le présente en public au Franklin Institute de Philadelphie. C'est à ce moment qu'il commence à manufacturer des disques. Il invite des musiciens à enregistrer sur des plaques de zinc. En 1890, la revue Scientific American publie un compte-rendu de sa découverte, illustré de gravures de son gramophone et de son appareil à enregistrer le son. |
Le
gramophone a pu être commercialisé en 1893 par une compagnie fondée
par Emile Berliner et quelques amis sous le nom de The United States Gramophone
Company. A l'automne 1895, un groupe
d'hommes d'affaire de Philadelphie fournit 25000$ pour mettre sur pied la Berliner
Gramophone Company qui installe ses
bureaux à Philadelphie. Emile
Berliner était actionnaire minoritaire dans cette compagnie et les droits
de brevet du disque demeuraient la propriété de la United States
Gramophone Company. Les ventes du gramophone étant peu élevées,
la compagnie comprend vite la nécessité d'améliorer le gramophone
à manivelle en l'équipant d'un moteur à ressort.
Eldridge R. Johnson de Camden, New-Jersey, en invente un et le manufacture
pour la Berliner Gramophone Company. Entre 1896 et 1900, près de 25 000
moteurs de ce type furent ainsi manufacturés. |
La
Berliner Gramophone Company , inexpérimentée dans le marketing,
signe un contrat de publicité avec Frank Seaman de New York. L'invention
de Emile Berliner est donc maintenant entre les mains de trois compagnies: la
Berliner Gramophone Company de Philadelphie
qui manufacture les gramophones et les disques, la Seaman's National Gramophone
de New York qui se charge de la publicité et la United States Gramophone
Company de Washington qui contrôle les droits des brevets. |
Au
début de 1900, Seaman 's National Gramophone
conclut un accord avec American Graphophone
et Columbia Phonograph pour
manufacturer le Zonophone. Emile Berliner voit cet accord comme une traîtrise
face à leur contrat d'exclusivité de vente. Le 25 juin 1900, Seaman
intente une injonction contre la Berliner Gramophone Company
qui aura pour effet d'obliger Emile Berliner à se retirer de la
vente de son gramophone dans tous les Etats-Unis. Ces problèmes expliquent
sans doute une des raisons pour lesquelles Emile Berliner décide d'installer
sa compagnie à Montréal. Son petit-fils, Oliver Berliner, explique
en 1992, dans Antique Phonograph News qu'il
avait choisi Montréal à cause de la facilité des transports
ferroviaires entre Montréal et Philadelphie. |
Emile Berliner installe sa compagnie à Montréal en 1900. On la retrouve pour la première fois dans le Lovell's Montreal Directory de 1900. A ce moment, le magasin de vente au détail et les bureaux, situés au 2315 rue Sainte-Catherine sont gérés par le gérant général Emmanuel Blout. La manufacture de Berliner est située au 367-368 rue de l'Aqueduc (actuellement rue Lucien L'Allier). La plus ancienne publicité que nous ayons retracée date de novembre 1900 dans le Canadian Magazine et mentionne que les gramophones sont fabriqués à Montréal. Le 22 décembre 1900, Berliner Gram-o-Phone Company (c'est sous cette orthographe que la compagnie fait sa publicité pendant de nombreuses années sur la devanture du magasin et dans les journaux) fait paraître une annonce publicitaire dans La Patrie mentionnant des disques en français. Dans la publicité que la compagnie fait paraître à l'automne 1900, on mentionne une médaille gagnée à l'exposition de Toronto pour l'année 1900. |
Le
16 juillet 1900, Emile Berliner enregistre aux bureaux des brevets la marque de
commerce de sa compagnie, le chien
Nipper écoutant un gramophone. Le peintre Francis Barraud créa cette
image utilisée pendant plus de soixante-dix ans. Cette marque de commerce
fut utilisée à Montréal dès 1900, sur le verso du
disque 402 de Frank Bata Hello my baby.
Emile Berliner aurait produit 2 000 disques durant ses deux premières
années d'opération à Montréal. On aurait vendu plus
de deux millions de disques dans la seule année 1901. |
En
1904, la compagnie installe un studio d'enregistrement au 138a rue Peel. Par contre,
la manufacture déménage au 201 ruelle des Fortifications tandis
que le magasin et les bureaux sont toujours situés au 2315 Sainte-Catherine.
Pendant la période 1904-1906, la Berliner Gramophone Company
produit différents types de gramophones à son usine de Montréal,
le gramophone de modèle A, le modèle B surnommé Ideal, modèle E surnommé le Bijou,
et le modèle C surnommé Grand.
La compagnie produit des disques
de sept pouces (18 cm), de dix pouces (25.5 cm) et le De Luxe de douze pouces
(30 cm). Les premiers disques gravés d'un seul côté, présentaient
sur le verso l'image de Nipper. Ce n'est qu'en 1908 que l'on commence à
les graver des deux côtés. Joseph Saucier (1869-1941) aurait eu le
privilège d'enregistrer le premier disque montréalais en chantant
La Marseillaise. |
Il faut situer la construction du premier édifice en brique de la rue Lenoir vers 1908. A une période indéterminée entre 1908 et 1912, la compagnie fait construire une annexe sud à son usine de la rue Lenoir. Cet édifice, très moderne pour l'époque, construit en béton armé sur quatre étages est percé de très larges ouvertures. Une affiche publicitaire, placée sur le toit, met en vedette Nipper ainsi que les mots "The home of the Victrola". |
La
compagnie connaît une importante expansion après la Première
guerre mondiale et un agrandissement de l'usine du quartier Saint-Henri.
Avec la fin de la construction de l'édifice longeant la rue Saint-Antoine,
en 1921, Berliner Gramophone s'est
dotée de l'une des usines les plus modernes de Montréal.
L'usine de 50 000 pieds carrés fabrique des gramophones et des disques. En 1924, la Victor Talking Machine achète la compagnie qui se fusionnera en 1929 à
RCA pour devenir la RCA Victor. Emile Berliner est décédé
des suites d'une crise cardiaque le 3 août 1929. |